Le 6 novembre 2020, la Cour du Québec, district de Terrebonne, a accueilli la demande en annulation de la saisie avant jugement de la défenderesse Lévesque.
En février 2020, la demanderesse, Bouchard Bulldog inc., avait vendu à la défenderesse deux chiennes de race Bulldog pour une somme de 14 000 $. La défenderesse avait pris possession des chiennes après la conclusion du contrat et avait conclu une entente additionnelle relative au paiement de la balance due à ce moment, soit 8 600 $.
La somme restant impayée quelques mois plus tard, la demanderesse a entrepris un recours contre la défenderesse, lui réclamant notamment un montant de 63 600 $ pour une opportunité d’affaires manquée et des dommages de 10 000 $ à la suite de propos diffamatoires à son égard sur les réseaux sociaux. La demanderesse demandait également de prendre possession des deux chiennes en ayant recours au service d’un huissier de justice.
La demanderesse soutenait que la vente était régie par la réglementation du Club Canin Canadien, laquelle prévoit notamment que la propriété des chiens est seulement transférée à l’acheteur lorsque la totalité du prix de vente est acquittée. La demanderesse s’estimait donc toujours propriétaire des chiennes au moment de la saisie avant jugement. Elle prétendait également qu’une clause de réserve de propriété dans le contrat lui réservait le droit de confisquer les chiennes si la défenderesse ne répondait pas à leurs besoins en matière de soins et d’alimentation.
Quelques jours après le dépôt de son recours judiciaire, la demanderesse a procédé à la saisie avant jugement des deux chiennes, conformément aux dispositions Code de procédure civile du Québec.
Dans le cadre de son analyse, le tribunal a rappelé que la saisie avant jugement avait un caractère exceptionnel et que les règles y étant relatives devaient être interprétées restrictivement. Le tribunal a également souligné que la saisie avant jugement pratiquée en l’instance ne visait pas des biens, mais des êtres doués de sensibilité sur lesquels la saisie avait eu un effet significatif :
«[19] Bien que les tribunaux n’aient pas hésité à assurer la mise en œuvre de la vocation protectrice de la saisie avant jugement, celle pratiquée en l’instance ne vise pas des biens, mais des êtres doués de sensibilité[8]. Il faut donc considérer que l’effet de la saisie avant jugement et du changement de gardien exigé par Bouchard Bulldog a des conséquences significatives non seulement pour madame Lévesque, qui est privée de la présence des deux bêtes, mais également pour Fay et Fraya qui ont été séparées de la famille des Lévesque après cinq mois de vie commune avec eux.»
Au DAQ, nous sommes d’avis que l’application de l’article 898.1 Code civil du Québec s’inscrit dans la même lignée que l’affaire Walsh c. Dandurand dans laquelle la Cour supérieure rappelait que l’être animal n’était plus un « simple bien », mais plutôt un être doué de sensibilité. À ce sujet, nous sommes également d’avis que le tribunal a correctement appliqué la norme comportementale prévue à l’article 898.1 du Code civil du Québec. Cette norme a été décrite par la Cour d’appel dans l’affaire Road to Home Rescue Support comme une norme comportementale respectueuse de la sensibilité de l’être animal et devant dicter le comportement de ceux qui interagissent avec des êtres animaux.
Résumé Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal