Le 13 mai 2022, la Cour supérieure du Québec a rejeté la demande de pourvoi en contrôle judiciaire de la demanderesse, avec frais de justice, et a ainsi ordonné l’euthanasie de son chien.
Les faits
Le 19 octobre 2020, la demanderesse, Danielle Bastien, se promenait avec ses deux chiens, soit Mira et Rover. Ces derniers ont attaqué un autre chien, nommé Watson, ce qui lui a occasionné des blessures à lui ainsi que son maître qui voulait le protéger. À la suite d’une plainte déposée à la Ville de Montréal, une ordonnance d’euthanasie à l’égard de Mira a été émise et Rover est soumis à de nombreuses restrictions. Mme Bastien conteste cette décision et soutient alors qu’elle est déraisonnable.
La décision
Dans cette affaire, trois questions en litige sont pertinentes :
1- Le décideur (Ville de Montréal) a-t-il erré dans l’appréciation ou la constatation de faits dans l’exercice de sa discrétion de manière à rendre la décision déraisonnable ?
Le tribunal a établi que ce n’était pas le cas. Le tribunal a tenu compte du Règlement sur l’encadrement des animaux domestiques (21-012) de la Ville de Montréal, de la Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens et du Règlement d’application de la Loi visant à favoriser la protection des personnes. À la suite du rapport d’évaluation du comportement et du niveau de dangerosité de Mira effectuée par un vétérinaire, il a été établi que le chien se situe à 8 sur une échelle de 10 en termes de son niveau de dangerosité, d’où son statut de chien dangereux considéré comme étant une menace à la santé publique. Les antécédents de morsures et d’attaques de Mira ont également été pris en compte lors de l’évaluation en plus du fait que le chien prend des médicaments pour aider à la gestion de son comportement. Le tribunal a commenté la preuve au dossier de la Ville comme suit :
« [44] Ici, le décideur agit en vertu des pouvoirs qui lui sont délégués. Ses fonctions sont celles d’un organe décisionnel. Les seuls motifs pertinents pour décider de la raisonnabilité de la décision sont ceux qui se trouvent dans la décision et dans le dossier du décideur. L’objection doit donc être accueillie par le Tribunal. »
2- Le décideur (Ville de Montréal) pouvait-il choisir la mesure d’euthanasie sans que l’un des médecins vétérinaires consultés n’ait expressément formulé la recommandation d’une telle mesure ?
Dans l’affaire ci-présente, le vétérinaire n’a pas expressément mentionné que la mise à mort volontaire devrait être le recours à employer. Il y a plutôt mention, dans le rapport prépraré par le vétérinaire, que si un chien est considéré comme étant dangereux, sa mise à mort peut être demandée. Aussi, en vertu de l’article 8 du Règlement d’application de la Loi visant à favoriser la protection des personnes, il appartient à la Ville, à la suite de l’évaluation faite par un vétérinaire, de juger si un chien est dangereux et de déterminer s’il faut que l’être animal soit mis à mort volontairement, et ce, selon l’article 11 du même règlement. Le tribunal mentionne ainsi cela :
« [61] Rien n’oblige le décideur à obtenir une recommandation d’euthanasie de la part d’un vétérinaire. Si tel était le cas, plutôt que d’écrire que l’euthanasie peut être ordonnée « lorsque les circonstances le justifient », le législateur aurait plutôt écrit « lorsque le vétérinaire le recommande ». Tout indique que le décideur a considéré les recommandations des vétérinaires consultés, mais que pour des raisons qui ne sont pas arbitraires, a choisi l’euthanasie. »
3- Le décideur a-t-il rendu une décision déraisonnable parce qu’incohérente avec l’exercice de sa discrétion dans d’autres cas récents ?
La décision émise est effectivement cohérente selon le tribunal. La jurisprudence soulevée par l’avocat de la demanderesse n’a pas été retenue comme étant un argument pertinent. Le tribunal commente le précédent de la manière suivante :
« [69] Le passage cité de la décision de la Cour d’appel ne participe pas des motifs de la décision. Il s’agit d’un obiter. La décision de la Cour supérieure a été infirmée pour une tout autre raison, à savoir que dans ce cas particulier, l’ordonnance d’euthanasie excédait la compétence de l’officier municipal parce que le chien n’était pas errant. La dernière phrase du passage cité par l’avocat de madame Bastien précise que le débat sur la dangerosité du chien restait à faire. »
En outre, Mme Bastien soutient qu’elle est en mesure de neutraliser le caractère dangereux de Mira en appliquant des mesures de contrôle rigoureuses. Cependant, l’historique d’attaques de Mira ne concorde pas avec ce qu’elle avance.
Pour ces motifs, le tribunal rejette ainsi la demande de contrôle en pourvoi judiciaire, avec frais de justice, et ordonne à Mme Bastien d’euthanasier Mira dans les 48 heures suivant la notification de ce jugement et d’en transmettre la preuve d’ici 72 heures.