Les demanderesses (25 animaleries* vendant des êtres animaux de compagnie, dont des chiens, des chats et des lapins) déposent une « Demande en contrôle judiciaire, en sursis et en dommages » [1] en vertu des articles 529 et 530 du Code de procédure civile, afin d’obtenir dans le cadre de la demande de sursis :
1. La suspension des articles 22 et 23 du Règlement sur l’encadrement des animaux domestiques (le « Règlement 18-042») ‒ adopté par la défenderesse, la Ville de Montréal (« la Ville ») en vertu de la Loi sur la protection sanitaire des animaux et la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal et comportant l’obligation pour les animaleries de vendre des êtres animaux de compagnie, chiens, chats et lapins, provenant uniquement de refuges ou de vétérinaires à partir du 1er juillet 2019 avec la stérilisation obligatoire pour tous les chiens, chats et lapins à partir du 1er janvier 2020 ‒ jusqu’à jugement final à intervenir;
2. Subsidiairement, à titre d’ordonnances de sauvegarde, de reconnaitre leur droit acquis de vendre des chiens, chats et lapins (dont la provenance ne soit pas exclusive aux refuges);
La demande de pourvoi en contrôle judiciaire vise également à faire déclarer les articles 22 et 23 du Règlement 18-042 illégaux et inopérants, étant donné que ce règlement « permettra (…) de favoriser l’adoption des animaux de refuges, de réduire le nombre d’euthanasies et de diminuer la surpopulation animale »[2].
Analyse de la demande de sursis :
Lors de l’analyse de chacun des critères de la demande de sursis, le tribunal rappelle que la décision à cet égard ne statue aucunement du pourvoi en contrôle judiciaire basé sur les prétentions des demanderesses relatives à la légalité des dispositions litigieuses. En effet, la demande de pourvoi en contrôle judiciaire n’opère pas sursis ‒ c’est-à-dire la suspension de l’application des dispositions visées ‒ c’est plutôt le juge qui sera saisi de la demande de sursis qui en disposera. Cela dit, les critères applicables à une telle demande de sursis s’énoncent ainsi:
a) Question sérieuse : la partie demanderesse doit établir que son recours soulève une question sérieuse à trancher, c’est-à-dire une question qui n’est ni futile, ni vexatoire, ni frivole;
b) Préjudice sérieux ou irréparable : la partie demanderesse doit démontrer, si le sursis n’est pas accordé, qu’elle en subira un préjudice irréparable ou sérieux;
c) Prépondérance des inconvénients : dans l’attente d’une décision sur le bien-fondé du pourvoi en contrôle judiciaire, selon que le sursis sera accordé ou refusé, le juge détermine laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice. Ce critère doit également être analysé en « […] tenant compte, […] de l’intérêt public par rapport à celui des plaideurs individuels. »[3]. Autrement dit, au moment de juger de la prépondérance des inconvénients, l’intérêt public devra primer.
d) Urgence: « démontrer une urgence réelle et objective qui ne soit pas tributaire de l’argumentaire de la partie qui l’invoque. »[4]
Dans cette affaire, les demanderesses n’ont pas réussi à renverser la présomption et à démontrer que l’intérêt collectif serait mieux servi en suspendant l’application de certaines dispositions du Règlement 18-042. De plus, il s’agit largement d’une urgence créée par les demanderesses dont la position juridique était déjà connue plus d’un an avant d’intenter des procédures judiciaires[5].
Ainsi, la stratégie des demanderesses visant à se regrouper en un plus grand nombre possible ne justifie pas le délai d’un an pour intenter l’action en contrôle judiciaire et incidemment demander le sursis des dispositions litigieuses. Réciproquement, la création d’un tel regroupement n’est pas justifiée par la nature de la demande, reposant sur l’illégalité ou l’inopérabilité de certaines dispositions du Règlement.
Bref, le critère de l’urgence n’étant pas satisfait, ce seul motif suffit pour rejeter la demande de sursis. Nonobstant, la juge Mainville conclut que de façon générale les critères pour l’émission d’une telle ordonnance ne sont pas satisfaits.
Décision :
Le Tribunal rejette alors la demande de sursis visant à suspendre les articles 22 et 23, alinéa 1 et 2 du Règlement 18-042, ainsi que la demande de sauvegarde visant à faire déclarer que les demanderesses ont des droits acquis et qu’elles ont le droit de continuer à vendre des chiens, des chats et des lapins dont la provenance ne soit pas exclusive aux refuges.
Appel de la décision :
Finalement, le 17 décembre 2019, la Cour d’appel rejette la permission d’appeler du jugement rendu par la Cour Supérieure.
* LISTE DES 25 ANIMALERIES QUI CONTESTENT LA VALIDITE DU REGLEMENT DE LA VILLE DE MONTREAL :
- Rolf C. Hagen inc (Aut. Transcanadienne, Baie d’Urfe)
- Animal Expert Maisonneuve inc. (boul. de Maisonneuve, Montréal)
- Animal Expert Jean-Talon inc. (rue Jean-Talon Est, Montréal)
- Centre d’animaux nature (Route Transcanadienne, Montréal)
- Centre d’animaux safari-Versailles (boul. Sherbrooke Est, Montréal)
- Gestion Chico inc. (av. Mont-Royal, Montréal)
- Animalerie Chico Hochelaga (rue Hochelaga, Montréal)
- Animalerie Joly inc. (rue Wellington, Montréal)
- Animalerie Paul ltée (rue Mont-Royal Est, Montréal)
- Aquarium du nord inc. (rue St-Hubert, Montréal)
- Animalerie b. l. enr./Denise Beauchamp (rue Ste-Catherine Est, Montréal)
- Entreprises d’alimentation pour animaux familiers (Ch. du Bois-Franc, Montréal)
- Tropicazoo St-Bruno/ Tropicazoo Beloeil/ Tropicazoo Cowansville/ Tropicazoo Longueuil /Tropicazoo Richelieu /Tropicazoo St-Bruno/ Tropicazoo Ste-Julie/ Tropicazoo St-Jean/ Tropicazoo St-Luc
- Animal Expert St-Bruno inc. (rue St-Bruno, St-Bruno)
- Aquanimo (boul. Curé-Poirier, Longueuil)
- Animalerie Chambly (rue Perygny, Chamblay)
- Animalerie Rouki Froufrou (boul. Le Corbusier, Laval)
- La grande ménagerie (rue King Ouest, Sherbrooke)
- Animalerie Bouffe Tout inc. (rue des Seigneurs, Terrebonne)
- Animalerie et Aquarium Drummond inc. (rue Lindsay, Drummondville)
- Animalerie de Granby inc. (rue Principale, Granby)
- Super animalerie (rue Alexandre, Salaberry-de-Valleyfield)
- Boutique d’animaux Cartier inc. (rue Fiset, Sorel-Tracy)
- Animalerie de St-Hyacinthe inc. (rue Casavant Ouest, St-Hyacinthe)
- Multi canin (rue des Laurentides, Laval)
[1] La demande en dommages vise à condamner la défenderesse à payer tous les honoraires et frais d’avocats encourus pour l’ensemble du litige.
[2] Rolf C. Hagen inc. (Hagen) c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 3286, par. 23.
[3] Rolf C. Hagen inc. (Hagen) c. Ville de Montréal, préc., note 2, par. 8.
[4] Id., paragr. 28.
[5] Par l’envoi d’une lettre adressée à la mairesse de Montréal exposant ses préoccupations face à l’adoption du Règlement 18-042. Voir : Rolf C. Hagen inc. (Hagen) c. Ville de Montréal, 2019 QCCS 3286, par. 32 et 40.