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Date

Mai 18 - 19 2022
Expiré!

Heure

Journée entière

Penser le spécisme aujourd’hui

« Le laboratoire junior RAT a le plaisir de vous inviter à son premier colloque intitulé “Penser le spécisme aujourd’hui qui se déroulera les 18 et 19 mai prochain en présentiel à l’ENS de Lyon et en distanciel sur une plateforme en ligne.

Argumentaire

« Le spécisme est à l’espèce ce que le racisme et le sexisme sont respectivement à la race et au sexe : la volonté de ne pas prendre en compte (ou de moins prendre en compte) les intérêts de certains au bénéfice d’autres, en prétextant des différences réelles ou imaginaires, mais toujours dépourvues de lien logique avec ce qu’elles sont censées justifier. En pratique, le spécisme est l’idéologie qui justifie et impose l’exploitation et l’utilisation des animaux par les humains de manières qui ne seraient pas acceptées si les victimes étaient humaines. » 

-Définition donnée sur la couverture du n°0 des Cahiers antispécistes (septembre 1991).

Le spécisme, concept inconnu du grand public il y a une dizaine d’années, désigne la discrimination en fonction de l’appartenance d’espèce. Depuis peu de temps, il a fait irruption dans les médias, le plus souvent de façon dénigrante et sous la forme de la condamnation de certaines actions des militant•e•s qui s’y opposent : les « antispécistes ».

Si le terme « spécisme » a été forgé par un psychologue, Richard Ryder, et popularisé par un philosophe, Peter Singer, sa définition s’est enrichie à mesure qu’il a été étudié par d’autres disciplines et selon des perspectives différentes. On peut désormais analyser le spécisme dans le langage, la littérature ou plus largement les œuvres culturelles ; des expériences en psychologie sociale mettent au jour l’existence de préjugés spécistes qui biaisent notre empathie selon l’appartenance d’espèce ; la sociologie s’est emparée du concept et propose une analyse de spécisme moins en termes de discrimination qu’en termes d’oppression ou de domination ; la géographie permet notamment d’envisager l’ancrage spatial de cette domination, etc.

Les apports de la biologie, de l’éthologie, des neurosciences et d’autres disciplines des sciences naturelles ont été précieux pour apporter une réfutation scientifique à plusieurs croyances spécistes (telles que « les animaux autres qu’humains ne sont pas conscients », ou « ils ne ressentent pas la douleur »). En somme, le spécisme est un phénomène complexe et encore trop peu étudié, qui gagne à être pensé à partir de méthodes disciplinaires multiples et analysé sous différents prismes.

Mais au-delà des débats théoriques sur la définition du terme et de la pluralité des perspectives disciplinaires sur cet objet – qui pourraient laisser penser que le spécisme est une chose abstraite, voire une lubie de philosophe -, le spécisme renvoie à des réalités très concrètes : les vies et les souffrances de vrais individus dont les intérêts sont sans cesse négligés ou ignorés. Comme lorsqu’on étudie le sexisme, le racisme, le capacitisme ou toute autre forme d’oppression, il s’agit de ne pas perdre de vue les expériences modelées par cette discrimination, et les importantes implications éthiques des discussions des chercheurs et chercheuses sur la question.

Les oppressions s’entrecroisent par ailleurs de façon complexe et ont souvent des procédés communs d’infériorisation de certains individus (désindividualisation, construction d’un différentialisme entre eux et nous, croyances fausses qui perpétuent le système de discrimination, etc.). Le spécisme a, par exemple, une dimension capacitiste quand les facultés intellectuelles jugées inférieures des animaux autres qu’humains sont censées venir justifier leur moindre valeur morale ou leur discrimination, comme c’est le cas dans l’oppression de certaines personnes en situation de handicap(s) ; de même, l’animalisation des personnes sexisées ou racisées n’est opérante dans leur oppression que du fait de la hiérarchisation sous-jacente entre l’humanité considérée comme supérieure et l’animalité jugée inférieure et infamante, etc.

Les analyses du spécisme interrogent profondément nos habitudes de pensée et nos institutions, si bien que dénoncer le spécisme ouvre la possibilité d’une véritable révolution éthique et sociale. Penser le spécisme pousse à développer et raffiner de nouveaux concepts comme celui de sentience et a des répercussions sur la façon dont on pense d’autres questions telles que l’écologie, le droit, les mouvements sociaux. Cela incite à s’efforcer d’imaginer (ou d’anticiper ?) ce que pourrait être un monde débarrassé du spécisme, et une société organisée pour prendre en compte de façon plus égalitaire les intérêts de tous les animaux sentients, autrement dit une zoopolis. Se pose alors également la question des modalités du changement social pour tendre vers une telle société où le spécisme serait moins prégnant.

L’enjeu de la place de l’université dans cette réflexion est crucial. Si, dans la recherche anglophone, le spécisme a rapidement été intégré dans le champ de l’éthique animale puis dans d’autres disciplines, la théorisation et la diffusion des savoirs autour du spécisme en France se sont très longtemps faites en dehors de l’université, dans des milieux alternatifs et militants ainsi que dans la revue non académique des Cahiers antispécistes. Les raisons de ce retard de reconnaissance du spécisme comme objet légitime de la recherche universitaire sont certainement multiples, au premier rang desquelles se trouvent la question du rapport à l’engagement et l’aspiration à une neutralité épistémique de la part des chercheurs et chercheuses. Mais nous nous situons peut-être à un tournant car, ces dernières années, un nombre croissant d’universitaires se sont emparé•e•s de la question avec les méthodes de leur discipline respective et de nouveaux lieux de partage et de rencontre se développent, comme la Journée internationale sur la condition animale ou le DU de Rennes « Animaux et société », pour ne citer que ces deux exemples. On observe donc à ce jour la constitution progressive d’un nouveau champ académique des études animales en France, et la place accordée au spécisme dans ce champ reste à déterminer dans les années à venir.

C’est à ouvrir ces discussions et permettre de poser ces enjeux dans un cadre académique que le colloque « Penser le spécisme aujourd’hui » entend contribuer. »


Page Web de l’événement

Organisé par RAT

RAT – Recherches Animalières Transdisciplinaires et Transséculaires – est un laboratoire junior de l’ENS de Lyon. Il aborde la vaste thématique de l’animalité en fondant sa méthodologie sur une interdisciplinarité à l’image de ses membres, et sur une ouverture aux mondes pratiques des professionnel·les animalier·ères (vétérinaires, éleveur·euses, soigneur·euses), des associations militantes, mais aussi des personnalités individuelles, “ami·es”, “défenfeur·ses” ou simplement compagne·on·s ou observateur·rices des animaux.

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