Lessard c. Nadeau, 2022 (Cour du Québec – Chambre civile) – résumé – QCCQ 1779 (2 mars 2022)

Le 2 mars 2022, la Cour du Québec a accueilli la demande du défendeur en annulation de saisie avant jugement ayant pour but de lui retirer une chienne nommé Puce.

Les faits 

Mme Lessard, la demanderesse, ainsi que M. Nadeau, défendeur, ont formé un couple durant onze ans. Au cours de leur union, M. Nadeau a offert une chienne à Mme Lessard. Celle-ci a décidé de commencer l’élevage de Bergers anglais avec cette chienne. La chienne Puce est issue d’une portée de l’élevage de Mme Lessard.

En juin 2021, M. Nadeau a été violent envers Mme Lessard et elle a ainsi quitté la résidence de Monsieur. Cependant, la chienne Puce reste encore chez M. Nadeau.

La demanderesse désire récupérer Puce, car elle considère que la chienne lui appartient et que M. Nadeau pourrait s’en prendre à la chienne physiquement. Alors, le 17 décembre 2021, le tribunal autorise la saisie avant jugement de Puce afin de la confier à un tiers en vertu des :

1) 517 C.p.c. (saisir/retirer la chienne de plein droit à titre de propriétaire), et
2) 518 C.p.c. (saisir/retirer la chienne avec autorisation du tribunal vu que Mme Lessard allègue que sa créance sera en péril, si la chienne n’est pas retirée de son ancien conjoint).

Quatre jours plus tard, la chienne est retirée par un huissier et confiée à un tiers gardien. Le défendeur demande ainsi une annulation du transfert de Puce avant que le litige soit tranché, car il soutient que les allégations de la demanderesse sont fausses et insuffisantes.

LA DÉCISION

Dans cette affaire, le tribunal doit déterminer s’il est possible de procéder à l’annulation du transfert de la chienne. Le Code de procédure civile du Québec, à l’article 522, mentionne qu’il est possible de demander l’annulation de la saisie, pour deux raisons :

a) l’insuffisance des allégations, ou
b) de la fausseté des allégations du demandeur.

Suffisance des allégations

Pour ce qui est de la question de la suffisance des allégations au soutien de la saisie dans cette affaire, donc du transfert de l’être animal, deux éléments doivent être établis :

  • une créance, et
  • une crainte objective que la créance de Mme Lessard est en péril, sans le transfert de la chienne.

Créance

Le tribunal reconnait que Mme Lessard, par l’effet de l’article 910 du Code civil[1], a effectivement une créance.

Crainte objective

En revanche, Mme Lessard ne satisfait pas le second critère, soit celui de la crainte objective et sérieuse. Ainsi, elle n’a pas pu démontrer objectivement sa crainte que son ancien conjoint ait commis des gestes préjudiciables à Puce. Elle soutient notamment que M. Nadeau ferait du mal à Puce dans le but de lui nuire indirectement, mais aucun fait recueilli au sein des déclarations assermentées ne mènerait à croire ceci objectivement. Le juge rappelle d’ailleurs que la crainte doit porter sur le chien lui-même et non par rapport à la partie demanderesse. Ainsi, le tribunal estime que la déclaration est insuffisante.

Fausseté des allégations

Ensuite, le juge conclut également que les allégations de Mme Lessard sont fausses, puisque la preuve d’un droit de propriété quant à Puce n’a pas été faite de manière assez claire et suffisante. Le tribunal considère plutôt que la preuve démontre que les parties ont fait l’élevage de chiens de manière commune et que dans ce contexte, Puce appartiendrait aux deux parties.

La Cour du Québec en arrive donc à la conclusion, en l’absence d’un droit de propriété clair et individualisé ainsi que par l’insuffisance des allégations de la demanderesse, que la saisie avant jugement du 21 décembre 2021, ayant pour but de retirer la chienne Puce, doit être annulée, et ce, le tout avec frais de justice.

[1] Code civil du Québec, art. 910 : « Les fruits et revenus sont ce que le bien produit sans que sa substance soit entamée ou ce qui provient de l’utilisation d’un capital. »

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