La pandémie mondiale et le confinement qui en découle sont le théâtre d’une augmentation vertigineuse d’adoptions d’êtres animaux de compagnie.
Or, il importe d’établir une distinction entre l’achat et l’adoption d’êtres animaux. L’adoption est une démarche humanitaire qui s’effectue habituellement par l’intermédiaire d’un refuge et qui permet d’offrir une seconde chance aux malchanceux qui s’y retrouvent. Dans la vaste majorité des cas, ces derniers ne sont nullement responsables de leur propre abandon. Celui-ci est plutôt la conséquence d’un humain qui a grandement sous-estimé les soins, le temps et l’attention à apporter à son nouvel ami ou qui a fait face à des changements de vie, prévus ou non (déménagement, changement d’emploi, divorce, etc.). (1)
L’achat d’êtres animaux de compagnie demeure malheureusement, et de loin, l’option la plus populaire. Il provient de conceptions comme celles voulant qu’un chien de race soit de « meilleure qualité » qu’un chien métissé et que la race permette d’avoir des certitudes sur le tempérament de l’être animal.
Sur le plan de cette supposée « qualité », c’est plutôt souvent le contraire qui se constate. Le principe même de l’élevage est de produire des races qui répondent à des caractéristiques désirées : tempérament, taille, type de pelage, forme du visage, etc. À cette fin, les éleveurs passent souvent par des méthodes telles que la reproduction entre individus d’une même famille (grand-mère et petit-fils, par exemple), perpétuant par le fait même des problèmes de santé qui pourraient être évités (2) (3). En outre, en favorisant certaines caractéristiques bien précises, l’on soumet des générations d’êtres animaux à des transformations physiques à un rythme que ne peut endurer l’ensemble de leur physionomie. Le tout est lourd de conséquences pour le bien-être et la longévité des individus « produits ». Problèmes cardiaques ou respiratoires, dysplasie, hernies, luxations, etc. : les problèmes de santé des chiens de race sont aussi nombreux que variés. Ironiquement, en matière de santé et de longévité, la diversité génétique des êtres métissés est davantage un gage de « qualité ». (3)
En ce qui concerne le tempérament associé aux diverses races, c’est oublier qu’humains comme êtres animaux, nous sommes bien plus que nos gènes et que notre apparence physique. Notre individualité, notre parcours de vie et notre couleur personnelle comptent énormément dans ce que nous sommes.
La course à l’adoption actuelle met une énorme pression de « production » sur les éleveurs. Elle a pour effet de mettre en circulation bien davantage d’êtres animaux de compagnie qu’il en existait il y a quelques mois seulement, et ce, dans une société qui voit déjà survenir bien trop d’abandons.
Entré en vigueur à Montréal le 1er juillet 2019, le Règlement sur l’encadrement des animaux domestiques oblige les propriétaires d’animalerie à ne vendre que des chiens, des chats et des lapins provenant de refuges ou de cliniques vétérinaires. Ce règlement nous invite certainement à une importante prise de conscience. Avant d’encourager l’élevage et la reproduction, il convient de réfléchir à nos conditions de vie normales, lesquelles sont souvent bien peu propices à la présence et aux besoins d’un être sensible. Les limitations actuelles sont certes éprouvantes, mais en aucun cas l’adoption d’un être sensible ne devrait servir à nous désennuyer. Lorsque la vie reprendra son cours, aura-t-on encore suffisamment de temps et d’énergie à lui consacrer ?
Si un tel élan d’adoption perdure au-delà de ce temps de réflexion, il peut sûrement perdurer encore un peu, au moins jusqu’au moment, vraisemblablement imminent, où les refuges déborderont sous les abandons post-confinement de tous ces chiens et de tous ces chats.
Ce sera alors le moment idéal. Ce choix sera fait pour les bonnes raisons à un moment où tant de cœurs à prendre attendront impatiemment de rencontrer les humains de leur vie. Pedigree ou non, ce seront tous des cœurs aimants et de qualité.
(1) Endo, J. (2019). Why Animals Are Abandoned? Citizens’ Voice columnist. 23 mars 2019. En ligne : https://apnews.com/article/4167d0cb650f46b3868776f14bc2ea58#:~:text=Lifestyle%20changes%3A%20People%20losing%20their,cats%20end%20up%20in%20shelters
(2) Maldarelli, C. (2014). Although Purebred Dogs Can Be Best in Show, Are They Worst in Health? Scientific American. Scienceline, 21 février 2014. En ligne :
https://www.scientificamerican.com/article/although-purebred-dogs-can-be-best-in-show-are-they-worst-in-health/
(3) Breeeding Business. 2018. Are mixed-breed dogs healthier? 10 novembre 2018. En ligne: https://breedingbusiness.com/are-mixed-breed-dogs-healthier/#:~:text=Mixed%2Dbreed%20dogs%20are%20generally,to%20a%20stronger%20genetic%20diversity.&text=Due%20to%20this%2C%20the%20purebred,in%20the%20practice%20of%20inbreeding.