Joyce c. R., 2019 (Cour supérieure – Chambre criminelle et pénale) – résumé – QCCS 4513 (29 octobre 2019)

 Le 29 octobre 2019, la Chambre criminelle et pénale de la Cour supérieure de Montréal a partiellement accueilli l’appel de M. Kenneth J. Joyce à l’encontre d’un jugement de la Cour municipale de Montréal l’ayant déclaré coupable :

a) d’avoir volontairement fait souffrir inutilement son chien (445.1(1)a) C.cr.), et
b) d’avoir négligé ou omis volontairement de lui fournir les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables et suffisants (446(1)b) C.cr.).

En effet, la Cour supérieure a substitué un verdict d’acquittement au verdict de culpabilité sur le chef d’accusation d’avoir volontairement fait souffrir inutilement son chien. Elle a toutefois maintenu le verdict de culpabilité sur le chef d’accusation d’avoir omis volontairement de lui fournir les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables et suffisants et une amende de 150 $ a été imposée à M. Joyce pour ce chef.

Les faits

Le 15 avril 2017, des promeneurs (les témoins principaux) remarquent un petit chien en hyperventilation dans une voiture stationnée. Ils constatent également d’autres signes de déshydratation causée par la chaleur. Ils appellent le 911.

M. Joyce, rendu à son véhicule avant les policiers, est stupéfait par les reproches adressés par les témoins. Selon lui, il ne fait pas chaud. Il déclare aux policiers arrivés sur les lieux qu’il traite son chien de la même façon depuis de nombreuses années et que celui-ci n’en est pas mort pour autant.

On sort le chien du véhicule et on lui donne de l’eau. Il commence alors à reprendre du mieux. Les témoins remarquent toutefois des infections à ses yeux et à ses oreilles et que ses griffes sont mal entretenues et son poil est « mottonneux ».

Volontairement négliger ou omettre de fournir les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables et suffisants

Selon M. Joyce, le juge de première instance a erré en droit en admettant le témoignage de témoins ordinaires pour faire la preuve de ce qui est convenable et suffisant en termes de fourniture d’aliments, d’eau, d’un abri et de soins, de même que pour faire la preuve de la souffrance du chien. Toujours selon lui, les verdicts de culpabilité prononcés à son encontre sont déraisonnables en l’absence de preuve d’expert.

Or, la Cour souligne qu’un témoin ordinaire peut fournir une opinion sur l’état commun des choses ou des personnes et qu’un témoin expert n’est pas toujours nécessaire. En l’occurrence, l’opinion des témoins ordinaires sur le fait que le chien semblait avoir chaud, qu’il hyperventilait, était déshydraté et en difficulté respiratoire était acceptable.

La Cour ajoute d’ailleurs que même si certaines dispositions pénales du Règlement sur la sécurité et le bien-être des chats et des chiens peuvent exiger une preuve d’expert, ces exigences ne peuvent avoir préséance sur les règles de preuve applicables en droit criminel.

 Volontairement faire souffrir inutilement le chien

 Vu l’état dans lequel le chien a été trouvé, la Cour est d’avis qu’il n’était pas déraisonnable de conclure à l’actus reus de l’infraction. Cependant, la Cour est d’avis qu’aucune preuve probante n’a été déposée à l’effet que le chien souffrait ou était dans un état de déshydratation. Une preuve d’expert aurait été nécessaire afin de conclure que le chien souffrait.

Également, la Cour est d’avis que la mens rea de ce chef d’infraction, laquelle impliquait un critère élevé d’insouciance, n’a pas été démontrée. « L’insouciance est l’attitude de celui qui, conscient que sa conduite risque probablement d’engendrer le résultat prohibé par le droit criminel, persiste dans son action ou son omission malgré le risque ». En l’espèce, la preuve démontrait que M. Joyce était étonné de subir des reproches et qu’il était d’avis qu’il traitait son chien de façon convenable.

L’application des principes de l’arrêt Kienapple

 M. Joyce soutenait également que les principes de l’arrêt Kienapple (« un verdict de culpabilité ne peut être inscrit pour une accusation si un tel verdict a été prononcé pour une autre accusation fondée sur le même délit ou la même cause »*) s’appliquaient de sorte qu’un arrêt conditionnel des procédures aurait dû être inscrit sur le chef d’accusation le moins grave. Or, puisque la Cour maintient uniquement le verdict de culpabilité sur le chef d’accusation d’avoir négligé ou omis volontairement de lui fournir les aliments, l’eau, l’abri et les soins convenables et suffisants (446(1)b) C.cr.), la question de l’application du principe de l’interdiction des condamnations multiples devient théorique et n’est pas analysée par la Cour.
* Protection contre le « double péril »

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