Raymond c. Centre vétérinaire Groupe Dimension Multi Vétérinaire inc., 2023 (Cour supérieure) – résumé – QCCS 77 (12 janvier 2023)

Le 12 janvier 2023, la Cour supérieure a accueilli en partie la demande introductive d’instance et a fixé le quantum des dommages à payer par les défendeurs.

Les faits 

En 2009, Betty Lee et Bernard T. Raymond, les demandeurs, ont adopté un chien de race Dogue allemand se nommant Virus. Les demandeurs, plus particulièrement Raymond, étaient fortement attachés à Virus, ce que le tribunal reconnait. Il est d’ailleurs mentionné que « Virus vivait auprès de Raymond et Lee comme s’il était leur enfant […] ».

Le 28 septembre 2019, Virus est emmené d’urgence au Centre vétérinaire Groupe Dimension Multi Vétérinaire inc. Le chien s’est fait opérer au ventre et il est resté à la clinique vétérinaire les trois jours suivants. Bien que l’intervention chirurgicale se soit bien déroulée, Virus avait désormais les pattes paralysées. Le médecin vétérinaire Joane Parent, l’une des défenderesses, a tenté d’expliquer aux demandeurs que leur chien était en fin de vie et qu’elle ne pouvait faire autre chose. Le 1er octobre 2019, Raymond et Lee ont quitté la clinique, avec leur être animal, en payant une facture de plus de 8 000$. Ils se sont rendus le lendemain à l’Hôpital vétérinaire de St-Hyacinthe avec Virus, afin d’obtenir un autre avis d’expert. À la suite des recommandations vétérinaires de cette autre clinique, le chien a dû être euthanasié.

Les demandeurs allèguent qu’il y a une faute dans l’exécution des services vétérinaires du Centre vétérinaire Groupe Dimension Multi Vétérinaire inc., ce qui leur a causé préjudice.

Les demandeurs réclament :

a) Coûts facturés au DMV pour services pour Virus (plus intérêts) : 8 365,42$
b) Coûts pour l’euthanasie de Virus : 385,00$
c) Dommages pour stress, troubles et inconvénients : 100 000,00$
d) Dommages B T Raymond pour perte émotionnelle : 76 249,57$
e) Dommages Betty Lee pour perte émotionnelle : 15 000,00$
f) Dommages punitifs et exemplaires : 100 000,00$

Ainsi, ils réclament un total de 300 000$. Toutefois, le montant des dommages pécuniaires, réclamés aux points a) et b), n’est pas contesté.

Scission de l’instance (2020)[1]

Dans la présente affaire, lors de la présentation du projet de protocole de l’instance, sept interrogatoires hors cour et trois expertises ont été envisagés. Les intimés ont soumis que le quantum de la réclamation était disproportionné à la valeur du litige. Par conséquent, ces derniers ont demandé la scission de l’instance dans le but d’établir d’abord le quantum.

Le juge Yves Poirier a scindé l’instance et a ordonné une première instruction sur le quantum. Une deuxième instruction de la demande portera sur la faute et du lien de causalité. Pour l’établissement du quantum, le juge a établi que celui-ci devait être évalué en prenant pour acquis la présence d’une grossière négligence par les défendeurs.

La décision

Dans le présent litige, le tribunal a donc procédé à l’instruction sur le quantum. Le tribunal est d’avis qu’il est possible qu’un individu qui a perdu son être animal, par la faute d’autrui, obtienne réparation du préjudice subi. Cette indemnisation peut porter sur les dommages pécuniaires ainsi que non pécuniaires. L’honorable Catherine Piché s’exprime ainsi quant à cet aspect :

« [47] […] L’animal désormais « doué de sensibilité » n’est plus catégorisé en droit civil comme un bien traditionnel. […]  L’animal de compagnie, particulièrement le chien, a un lien particulier avec son maître propriétaire, lequel fait naître des obligations à son égard ainsi qu’une protection accrue en cas de perte, s’apparentant à la perte d’un être humain cher. »

En ce qui concerne les dommages non pécuniaires réclamés par les demandeurs, il s’agit d’un montant pour les troubles et inconvénients en plus d’un montant pour compenser la peine vécue causée par la perte d’un être cher. Le total s’élève à 191 249,57$. Afin de déterminer le montant des dommages moraux, plusieurs facteurs sont à considérer, comme les circonstances du décès, l’âge de l’individu décédé, la relation entre l’individu décédé et la personne demandant l’indemnisation, etc. Virus était un chien âgé de 11 ans, tandis que l’espérance de vie pour cette race est normalement de 6 et 8 ans. Aussi, le chien présentait un certain nombre de problèmes de santé. Ces particularités ont été influentes quant à la détermination du quantum de dommages pour les demandeurs.

La Cour supérieure estime donc que les dommages non pécuniaires sont de 6 000$ pour Raymond et de 2 000$ pour Lee, et ce, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du C.c.Q à compter de la mise en demeure.

Toutefois, la demande de dommages punitifs n’est pas accueillie par le tribunal, puisque pour que de tels dommages soient octroyés, il faut une atteinte illicite ou intentionnelle des droits protégés par la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Lire la décision

Voir la décision de la Cour d’appel

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[1] Voir Raymond c. Centre vétérinaire Groupe Dimension Multi Vétérinaire inc., 2023 QCCA 292, page 4