Service Sauvetage Animal c. Ville de Longueuil, 2023 (Cour supérieure) – résumé – QCCS 3354 (31 août 2023)

Service Sauvetage Animal c. Ville de Longueuil, 2023 (Cour supérieure) – résumé – QCCS 3354 (31 août 2023)

Résumé

Le 31 août 2023, la Cour supérieure a rejeté le pourvoi en contrôle judiciaire remodifié et l’acte d’intervention volontaire modifié des demandeurs, Service Sauvetage Animal (SSA) et Florence Meney, dans le litige qui les opposaient à la Ville de Longueuil. Dans cette décision, la Société canadienne pour la prévention de la cruauté envers les animaux (SPCA) est intervenue à titre de tierce intervenante.

Les faits

Le parc Michel-Chartrand, situé dans la Ville de Longueuil (ci-après « la Ville »), abritait un cheptel de cerfs de Virginie bien au-delà du nombre idéal pour le parc. La surpopulation de cerfs a entrainé des dommages écologiques néfastes ainsi que des inquiétudes concernant la sécurité des automobilistes. En 2021, la Ville a donc organisé une Table de concertation afin de proposer des solutions concernant ce problème de surpopulation. En février 2022, après avoir évalué diverses options, la Ville a conclu qu’une opération de chasse contrôlée serait la solution la plus adéquate pour gérer la surpopulation des cerfs.

En mai 2022, les demandeurs ont déposé un pourvoi en contrôle judicaire et une demande d’ordonnance de sauvegarde. Ils ont suggéré à la Ville de capturer et de relocaliser l’excédent du cheptel plutôt que de procéder à une chasse contrôlée. En août 2022, la Ville a obtenu un permis pour la capture d’animaux sauvages à des fins scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune (SEG) afin d’effectuer la chasse contrôlée.

Les demandeurs ont présenté un pourvoi en contrôle judiciaire, demandant une ordonnance de sauvegarde, qui fut refusée par l’honorable Andres C. Garin de la Cour supérieure le 4 octobre 2022.

La décision

Étant donné qu’il s’agissait d’un pourvoi en contrôle judiciaire, les questions en litige examinées par le tribunal étaient les suivantes :

  1. La Ville et le MFFP ont-ils une obligation d’équité procédurale envers les demandeurs, la SPCA ou les cerfs et, le cas échéant, ont-ils manqué à cette obligation ?
  2. Quelle norme de contrôle le Tribunal doit-il appliquer à la Résolution et à la délivrance du Permis SEG ?
  3. La Résolution et la délivrance du Permis SEG sont-elles déraisonnables ?

Question 1

Le tribunal a fait référence aux cinq critères de la décision Baker (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1999 CanLII 699 (CSC), [1999] 2 RCS 817) référence en matière d’équité procédurale, à chaque personne concernée dans ce litige.

Pour ce qui est des demandeurs et à la SPCA, le tribunal a indiqué que le régime législatif encadrant les municipalités ne prévoyait aucune obligation d’équité procédurale lorsqu’une résolution municipale est adoptée. Le tribunal a également précisé que la Résolution ou la délivrance du Permis SEG n’entrainaient aucune conséquence directe sur les droits, privilèges ou biens des demandeurs. De plus, le tribunal a mentionné que si quelqu’un bénéficiait de l’équité procédurale en ce qui avait trait au Permis SEG, c’était la Ville plutôt que les demandeurs car c’est elle qui en a demandé la délivrance. De ce fait, la Ville bénéficiait des garanties procédurales liées à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre de délivrer le permis.

Le tribunal s’est ensuite penché sur l’application de l’équité procédurale à l’égard des cerfs. Aux paragraphes 53 à 55, il a mentionné que :

« L’article 898.1 C.c.Q. prévoit que les animaux ne sont pas des biens, qu’ils sont des êtres doués de sensibilité et qu’ils ont des impératifs biologiques. Ce nouveau statut juridique appelle donc un processus décisionnel qui prend en compte leurs intérêts. Ainsi, lorsqu’un organisme public envisage prendre une décision qui touche les intérêts des animaux, la procédure qui y mène se doit d’être équitable et permettre la présentation de faits et d’arguments pertinents par des experts en bien-être animal. Séduisant au premier regard, l’argument ne résiste pas à l’analyse. »

Le tribunal a précisé que les êtres animaux ne peuvent pas bénéficier de l’équité procédurale car ils ne sont pas considérés comme des personnes. De plus, il a indiqué que les cerfs sont des êtres animaux sauvages et que de ce fait, le statut de bien sans maître (art. 934 C.c.Q.) leur est attribué. En dépit de leur nouveau statut dans le Code civil, les êtres animaux peuvent représenter des nuisances et « […] cette disposition n’a pas pour effet de le [un organisme public] contraindre à consulter un expert en bien-être animal en amont de la décision. » En l’espèce, la Ville a consulté des experts en bien-être animal même si elle n’y était pas obligée.

Finalement, le tribunal a examiné si les demandeurs et la SPCA avaient eu l’occasion de présenter leurs arguments, tant pour eux-mêmes que pour les cerfs, avant l’adoption de la Résolution et la délivrance du permis. Le tribunal a passé en revue toutes les occasions où les demandeurs ont pu exprimer leur point de vue, lequel a été pris en compte par la Ville. Il a conclu que les demandeurs ont eu la possibilité de faire valoir leur point de vue tout au long du processus et que leur opposition à toute mesure létale pour gérer la surpopulation de cerfs de Virginie est restée inchangée.

Question 2

Le tribunal a déterminé que la norme de contrôle applicable à la Résolution et à la délivrance du Permis SEG était la norme de la décision raisonnable.

Question 3

Lorsqu’il applique la norme de la décision raisonnable, le rôle du tribunal est de déterminer si :

« […] la décision attaquée est à la fois fondée sur un raisonnement intrinsèquement cohérent et justifié à la lumière des contraintes juridiques et factuelles qui ont une incidence sur la décision. »

Le tribunal a poursuivi son analyse en se penchant sur les différents éléments de preuve mis de l’avant par les demandeurs afin de prouver le caractère déraisonnable de la Résolution et de la délivrance du permis. Le tribunal a analysé les objections, les articles de journaux et les vidéos, les articles de revues scientifiques, les déclarations sous serment, les expertises, le Rapport Stand, le Rapport Autenne, le Rapport Giroux et le Rapport Cadieux-de Bellefeuille.

Il convient de noter que le tribunal a examiné en détail le statut de l’être animal aux paragraphes 157 à 173. Ces paragraphes exposent l’état du droit en la matière et démontrent comment la Cour supérieure l’a appliqué au litige. Le droit québécois encadre la chasse et la protection de la faune par la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune qui reconnaît le droit de chasser tout en imposant des règles strictes pour assurer la conservation et le bien-être des êtres animaux. Parallèlement, l’article 898.1 du C.c.Q. affirme que les êtres animaux ne sont plus classifiés  comme de simples biens, mais comme des êtres sensibles ayant des impératifs biologiques. Cette reconnaissance impose des normes comportementales aux personnes et autorités interagissant avec eux, sans toutefois exclure certaines mesures comme la mise à mort volontaire  d’êtres animaux dangereux, à condition qu’elles soient exercées dans le respect de leur sensibilité. Le tribunal cite le paragraphe 57 de la décision Road to Home (2019 QCCA 2187 (CanLII) | Road to Home Rescue Support c. Ville de Montréal | CanLII) :

« En affirmant que les animaux sont des êtres doués de sensibilité, ayant des impératifs biologiques, le législateur dicte du même coup la conduite que doivent avoir tous ceux et celles qui interagissent avec de tels êtres. Cette disposition, qui a donc valeur de norme comportementale, s’applique certainement à la manière dont les villes mettent en œuvre les règlements qu’elles adoptent […] ».

Le jugement traite également des faits, de l’historique de la Résolution et de toutes les méthodes envisagées par la Ville avant de conclure que la méthode de chasse contrôlée était la plus appropriée et efficace.

Conclusion

Le tribunal conclu que les demandeurs et l’intervenant n’ont pas parvenu à démontrer le caractère déraisonnable de la Résolution et de la délivrance du Permis SEG. En effet, la Résolution s’inscrit dans l’exercice légitime de pouvoirs d’une municipalité telle que celle de la Ville de Longueuil. Pour ce qui est de la délivrance du Permis SEG, celui-ci a été délivré à la suite d’une analyse approfondie de toutes les méthodes possibles afin de contrôler la surpopulation de cerfs de Virginie dans le parc Michel Chartrand. Finalement, ce permis tient en compte le respect de la sensibilité animale.

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