L’EMPRISONNEMENT EST POSSIBLE POUR LA PERSONNE À L’AUTRE BOUT DE LA LAISSE - CAPSULE DAQ N° 34

L’EMPRISONNEMENT EST POSSIBLE POUR LA PERSONNE À L’AUTRE BOUT DE LA LAISSE - CAPSULE DAQ N° 34

En avril 2017, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi n° 128 : Loi visant à favoriser la protection des personnes par la mise en place d’un encadrement concernant les chiens qui établit le principe de dangerosité de certains chiens.

Il est toutefois important de se rappeler que le Code criminel s’applique également à la personne qui tient la laisse et au danger potentiel qu’elle représente. À ce titre, une condamnation au criminel, prononcée le 22 février 2018, sert déjà de semonce aux gardiens/tuteurs de chiens : leurs actions, ou leur inaction, pourraient leur valoir de graves ennuis, notamment la prison.

Voici les faits entourant la condamnation au criminel de M. Karim Jean-Gilles.   Lire la décision

La mère de l’accusé promenait les deux chiens de celui-ci quand l’un d’entre eux a attaqué une fillette de 7 ans, sans qu’il y ait eu provocation. Arrivé sur les lieux, l’accusé n’a pu maîtriser l’être animal. La fillette a malheureusement été gravement blessée et M. Jean-Gilles, en tant que gardien/tuteur du chien, a été accusé d’avoir causé des lésions corporelles (art. 221 du Code criminel).

C’est la première fois qu’au Québec une personne est reconnue coupable de négligence criminelle au terme d’un procès intenté pour une attaque menée par son être animal.[1]

Il faut savoir que le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels compris dans chaque infraction criminelle. Dans le cas qui nous intéresse, voici en quoi ont consisté ces étapes du test juridique :

 ÉLÉMENT UN

L’omission de faire quelque chose que le gardien/tuteur du chien qui a attaqué avait le devoir d’accomplir. Ici, en décidant de laisser ses chiens se promener en liberté, sans collier, laisse ou muselière, l’accusé a enfreint le règlement de la ville de Brossard;

ÉLÉMENT DEUX

L’omission d’accomplir un devoir légal ou une obligation légale et que le gardien/tuteur du chien a démontré une « insouciance déréglée ou téméraire » à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Cela exige notamment que : a) le comportement de l’accusé se soit écarté de façon marquée et importante de celui d’une personne placée dans les mêmes circonstances ET b) qu’une « personne raisonnable » aurait, dans ces circonstances, prévu le comportement de son chien et le risque qu’il posait à la vie ou à la sécurité d’autrui. Il est à noter qu’en dépit du fait que le gardien/tuteur savait que ses chiens étaient dangereux, il a laissé sa mère partir avec eux alors qu’elle n’en avait pas la maîtrise. Le tribunal a conclu que l’accusé était conscient du danger, qu’il n’a rien fait pour l’éviter ou qu’il a carrément refusé de s’en soucier.

ÉLÉMENT TROIS

L’accusé a causé des lésions corporelles à la fillette. Le dossier médical de cette dernière n’a laissé planer aucun doute quant à cet élément.

Lors du procès, le juge Pierre Bélisle de la Cour du Québec a cité plusieurs exemples qui illustraient l’attitude et le comportement négligents de l’accusé. Ainsi, une voisine a un jour constaté :

« […] que le chien “Ashes” se trouvait à l’intérieur de sa résidence lors de son arrivée en soirée après avoir participé à un tournoi de golf. Elle a dû le reconduire chez l’accusé en l’informant qu’il s’était encoure sauvé. »

Un deuxième voisin a vu son chien se faire agresser par ceux, sans laisse, ni collier, de l’accusé. Quand ce voisin a suggéré à l’accusé d’attacher ses chiens, la réponse qu’il reçut fut :

« Fuck-off, mêle-toi de tes affaires ».

Les blessures subies par le compagnon de ce voisin ont nécessité une intervention chirurgicale.

Finalement, témoignant du procès de M. Jean-Gilles, le journal Le Devoir a rapporté que :

« [l’accusé] n’a démontré aucun remords et n’a témoigné aucune empathie à l’égard de la jeune fille, dont les parents ont assisté au procès, a souligné la procureure de la Couronne, Me Claudie Gilbert. »[2]

Selon les circonstances, il est donc possible que le gardien/tuteur d’un chien soit trouvé coupable d’une infraction au Code criminel et que le tribunal ordonne à son encontre une peine d’emprisonnement.

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DEUX AUTRES CAPSULES RECOMMANDÉES POUR VOUS :

« NÉGLIGENCE CRIMINELLE: ATTAQUE DE CHIENS – CAPSULE DAQ N° 30 ».   Lire la capsule

« POUVONS-NOUS ÊTRE TENUS RESPONSABLES DES DOMMAGES CAUSÉS PAR NOTRE ÊTRE ANIMAL? – CAPSULE DAQ N° 28 ».    Lire la capsule  

 

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[1] http://quebec.huffingtonpost.ca/2018/02/24/jugement-pitbull-proprietaires-avertis-consequences_a_23370151/

[2] http://www.ledevoir.com/societe/520937/attaque-de-pitbull-karim-jean-gilles#