Le magazine L’actualité consacre la page titre de son édition de février 2019 à La Révolution végane. Dans ce numéro, il est question des disciplines liées au véganisme et du constat que des professionnels, tous domaines confondus, qui œuvrent autour d’un même enjeu peuvent avoir plus en commun que des spécialistes d’une même discipline. On y apprend ainsi que « le véganisme n’est pas un simple régime alimentaire », mais bien un sujet d’intérêt interdisciplinaire. Il se dégage des observations relevées par L’actualité que le véganisme est un mouvement juridique, socio-politique et environnemental.
Au Québec, le droit a été réformé par le changement apporté au cadre juridique du Code civil du Québec applicable aux êtres animaux et la Loi sur le bien-être et la sécurité de l’animal (« Loi BÊSA »), adoptée à l’unanimité en décembre 2015. Cette dernière renvoie à l’émergence d’une « préoccupation sociétale » à l’égard de la condition des êtres animaux et à la question de la considération morale dans la prise de décisions les concernant. Plusieurs de nos capsules précédentes ont d’ailleurs exposé l’enchâssement de la notion éthique dans le texte de la Loi BÊSA.
Les êtres animaux ne sont plus réduits au rang de « biens meubles », mais possèdent dorénavant le statut d’êtres doués de sensibilité ayant des « impératifs biologiques ». Ils sont aujourd’hui reconnus par la Loi BÊSA comme des êtres sensibles qui doivent être protégés puisqu’ils peuvent ressentir la douleur et donc souffrir. Les Québécois ont d’ores et déjà des obligations de soins envers eux tandis que certains actes à leur endroit sont interdits.
Cependant, les êtres animaux ne sont pas tous égaux devant la Loi BÊSA. Le traitement infligé à un être animal et le degré de protection qui lui est accordé par la loi varient considérablement selon la catégorie légale dans laquelle le législateur l’a classé. Il existe ainsi notamment quatre espèces légales d’êtres animaux, : domestiques, d’élevage, de la faune et exotiques, ce qui fait dire à la doctorante en philosophie Christiane Bailey, coauteure avec Jean-François Labonté, de l’essai La philosophie à l’abattoir : Réflexions sur le bacon, l’empathie et l’éthique animale, que :
« [n]otre société a une vision instrumentalisée des animaux, on les met dans des catégories en fonction de leur utilité pour l’humain : animal de compagnie, animal de ferme, animal sauvage ». 1
Arrêtons-nous, pour les besoins de cette chronique, à la classification légale des êtres animaux d’élevage, veaux, bœufs, poules ou porcs, destinés à l’alimentation. Ceux-ci font l’objet d’une exception à l’application de la Loi BÊSA. Par contre, leur mise à mort est encadrée par plusieurs textes de loi qui, selon nous, devraient être appliqués et interprétés de manière éthique. Comme le souligne Martin Gilbert, chercheur en éthique à l’Université de Montréal :
« La mise à mort des bêtes se faisant loin des regards, il est facile d’oublier que notre longe de porc a déjà été un morceau d’animal vivant. » 2
À quoi plusieurs éthiciens répondent que :
« [t]émoigner plus de considération aux animaux, apparaît […] comme la suite logique de l’évolution morale de l’humanité. » 3
La reconnaissance de la sensibilité des êtres animaux reste une des pierres angulaires du « véganisme ». Elle résulte de la remise en question de la légitimité de tuer un être animal en l’absence d’une nécessité incontournable. Plusieurs auteurs, y compris des juristes, sont de cet avis.
Références :
1 p. 29 Article dans l’Actualité, février 2019 intitulé « Révolution végane ».
2 p. 27, Article dans l’Actualité, février 2019 intitulé « Révolution végane ».
3 p. 29 Article dans l’Actualité, février 2019 intitulé « Révolution végane ».